Le départ
En hiver, certains se réjouissent des chutes de neiges et profitent du beau temps en montagne. Moi, j’ai pris l’habitude, au fil des ans, de rester bien au chaud alors que la neige qui tombe à l’extérieur. Mais cette année, Nico et moi avons rompu avec la tradition : nous avons emballé nos parapentes et nous nous sommes envolés vers l’été, direction l’Afrique du Sud !
Whoohoo !
A l’aéroport, nous rejoignons nos compagnons de voyage. Franck est le plus expérimenté d’entre eux ; il est habitué à voler de façon engagée et il est le roi des points bas. Il ouvrira la voie avec Nico. Axel a pris sa nouvelle voile de cross dans ses bagages. Il ne vole peut-être pas aussi vite que Nico et Franck, mais sa force tranquille lui permet d’avaler les kilomètres dans des airs turbulents. Alan, quant à lui, sait déjà qu’il lui faudra peser sur l’accélérateur : sa voile lui garantit une bonne sécurité, mais elle est moins performante. Notre guide, Patrice, nous accueille à Cape Town avec un grand sourire : il se réjouit de faire la course! J’espère juste que je pourrai tous les suivre, avec mon petit parapente.
Chacun d’entre nous a un objectif plus ou moins défini en tête. En me basant sur les conditions que nous avions rencontrées l’année passée à la même époque, j’annonce audacieusement vouloir tenter de boucler deux vols de plus de 100 kilomètres au cours des deux prochaines semaines. Nico vise un vol de 150 kilomètres, et, avec un peu de chance, un vol de 200 kilomètres. Le jeu sera de voler en groupe au début de chaque vol pour avoir plus de chances de rester en l’air, et de nous séparer à la fin pour permettre à ceux qui volent plus vite d’avaler un maximum de kilomètres.
Mais nous ne savons pas encore que la météo nous jouera des tours, et qu’il sera difficile pour notre groupe de s’en tenir aux stratégies prédéfinies. C’est le jeu !
Les premiers jours
Le premier jour annonce la couleur : un fort vent d’Ouest est annoncé et personne ne volera sur Porterville. Patrice nous propose de sauter dans la voiture et partir pour le Northern Cape, loin du vent, pour décoller sous un plateau. Une fois sur place, le vent et la configuration du déco nous découragent : seuls Franck et Patrice oseront se mettre en l’air.
Le deuxième jour est le meilleur pour moi : alors que les compétiteurs de la Pré-PWC, qui a lieu à ce moment-là à Porterville, prévoient de ne pas trop s’éloigner du ridge et de finir leur vol à Citrusdal, nous nous élançons dans la plaine. Très vite nous nous séparons tous : je n’arrive à suivre ni Nico, ni Patrice qui volent trop vite pour moi, et je ne peux suivre Franck que des yeux, il semble faire tout son vol à 20 m/sol, avalant les kilomètres dans la fournaise ! Le vent n’est pas méchant, et je peux me concentrer sur la chasse aux thermiques ; je les trouve les uns après les autres au-dessus des villages, des points d’eau et des serres qui parsèment la plaine, c’est magique ! J’évite la zone sous-le-vent de Piketberg, et retourne boucler mon triangle non loin du décollage. Je vois Nico rentrer à fond les ballons sur ma droite et nous nous posons dans le même champ, entre deux dust devils (des tourbillons de poussière auxquels on donne le surnom amical de dusties ici).
Une météo difficile
Au cours des dix prochains jours, les vols s’enchaînent, mais aucun d’entre eux n’égale ce premier vol, pour moi. La forte brise qui arrive tous les jours de l’océan rentre étonnamment tôt (ou menace de rentrer tôt, telle une épée de Damoclès suspendue sur mon petit parapente) et le vent météo fait des siennes. Nous ne sommes pas les seuls à souffrir des conditions : les compétiteurs de la Pré-PWC, à la fois soulagés et déçus, n’ont pu voler que trois manches – le nombre minimum de manches pour que la compétition soit validée. Du coup, on fait de notre mieux pour profiter au maximum de nos journées.
Des aventures en l’air
Voler en groupe est un exercice intéressant, mais les challenges sont nombreux ! Notre groupe à nous est composé de pilotes très différents. Au-delà de la simple performance de nos voiles respectives, nous avons chacun un rapport au risque différent et pas la même tolérance pour les turbulences. Personnellement, je m’étais juré, avant de partir, de ne pas me mettre dans le rouge durant ces vacances. Du coup, je me suis plusieurs fois fait devancer par le groupe en grimpant au sommet de chaque thermique, et je suis allée me poser lorsque ma vitesse au sol dépassait celui d’un boguet maquillé. D’autres jours, j’ai raté l’ascenseur et j’ai fini au sol, entre deux vaches. Et si on s’est chacun attendu quelques fois, c’était tout de même difficile de garder une bonne cohésion de groupe.
Nos plans de vol sont amitieux, et nous avons un horaire strict à respecter ! La brise nous dicte nos journées : on se dépêche de remplir nos objectifs avant qu’elle ne rentre. On garde chacun des marges différentes par rapport à la brise d’ailleurs : moi j’anticipe un peu trop et je pose bien avant qu’elle n’arrive, perdant quelques heures de vol, alors que Nico est plus pragmatique et optimise ses journées. Mais s’il vole toujours le plus loin possible, Nico apprend à ses dépens qu’il lui faudrait ajouter le choix de l’atterrissage à l’équation ! Il pose plusieurs fois loin d’une route et marche sous un soleil de plomb pour rejoindre la civilisation !
Si les vols sont compliqués à cette époque, c’est tout de même plutôt sympa de poser dans la région. Les animaux ne sont pas dangereux : si on reste hors des fermes à autruches et les réserves de buffles, la faune locale est plutôt paisible. Alan n’y croit pas trop, mais Sybe lui assure que même les taureaux sont « friendly » ! Les dusties, s’ils peuvent nous surprendre dans un champ, nous annoncent l’arrivée du vent depuis en haut, et sont un bon indicateur des conditions au sol. Et les locaux sont dans l’ensemble accueillant ! Un jour, alors que j’atterris près d’un village, sur le chemin de Grasswater, des enfants viennent timidement à ma rencontre. Ils ne parlent pas vraiment anglais, mais on s’entend bien : ils m’aident à plier ma voile en échange de tous les bonbons et les barres de céréales que je garde dans ma sellette (pour les petits creux). Et puisque nous avons du temps à tuer avant l’arrivée de la voiture de récup, nous nous asseyons à l’ombre d’un arbre et nous regardons des vidéos de parapente sur mon téléphone ; ils restent tous scotché devant « Weightless » de Jean-Baptiste Chandelier !
Dea aventures au sol
Une fois dans la voiture, c’est une nouvelle aventure : les premiers posés sont récupérés par Sybe (presque) partout et participent à la chasse aux parapentistes qui s’ensuit ! La récup’ en Afrique du Sud, ce n’est pas évident et sans notre super chauffeur, on aurait moins rigolé ! Il faut rester à portée des pilotes encore en l’air, mais toujours dans une zone dans laquelle il y a du réseau pour connaître leur position. Il faut aussi négocier l’entrée dans les immenses propriétés privées avec des fermiers qui ne voient pas toujours les libéristes d’un bon œil (la rumeur court que nous escaladons les clôtures comme des babouins). Et puisqu’on croise de drôles d’animaux sur le chemin, il faut répondre à toutes nos questions sur la faune locale. Qu’est-ce qu’elles font, les grues bleues, durant la journée ? Ça se mange, une pintade ? Quel âge elle a, la tortue ? Merci Sybe, nous avons appris plein de choses ! (Mon fun fact préféré : les dassies que nous croisons sur la route qui mène au déco ressemblent à des marmottes mais ce sont des cousins des éléphants au format cochon d’inde !)
D’ailleurs, lorsque le temps ne permet pas de voler, on part à la découverte des animaux du coin : une escapade au jardin botanique de Kirstenbosch, un safari pour Nico, une rando dans la montagne pour moi. La nature s’invite aussi chez nous : à notre arrivée dans la maison de Porterville, une grosse tortue terrestre se retrouve sur notre porche. Plus tard, un ibis s’invite dans notre jardin à l’heure du déjeuner et, à l’aube, des antilopes viennent grignoter notre pelouse.
XP gain & lvl up! 🙂
Au final, les conditions étaient difficiles, mais je ne me suis pas fait peur une seule fois, et tout le monde est rentré en un morceau. Nous avons tous gagné en expérience et nous sommes préparés à affronter le printemps dans les Alpes, une chance, en début de saison !
Nous avons même tous eu notre moment de gloire au cours du séjour : Nico et moi avons tous les deux fait un joli premier vol, avec nos escapades respectives en plaine ; Franck a presque rejoint l’océan après plusieurs heures de vol alors que nous avions tous été cloués au sol par un vent turbulent pas loin du déco ; Axel a pris sa revanche en nous baladant plusieurs heures dans la plaine malgré un fort vent météo, pendant que nous le suivions des yeux dans la voiture de récup et Alan a fini les vacances en beauté en alignant les kilomètres sur le ridge de Porterville alors que nous avions tous plus ou moins raté, à notre façon, la transition de la montagne de Saron.
Back to the Winter
Je suis reconnaissante d’avoir pu profiter du beau temps à l’autre bout du monde pendant notre hiver et nous avons eu la chance de visiter ce petit morceau de l’Afrique comme peu de gens en ont l’occasion : en partant à la chasse aux thermiques plutôt qu’à la chasse aux trophées !
Quel joli texte Stef, bravo ! Ton récit et les photos donnent envie de visiter le pays. En parapente ou à pied… haha ! J’irai en Afrique l’hiver prochain et serais ravie d’avoir quelques conseils/contacts afin de voler là-bas 🙂
Merci Serena! 🙂 Avec grand plaisir, quand tu veux!