<== Chapitre II 4 octobre 2019 – Premier double record du monde pour Yael Au matin du 4 octobre, une certaine excitation est palpable lors du petit-déjeuner. Non seulement les modèles météo laissent présager d’une belle journée de vol mais aussi le vent se fait déjà ressentir dans la cour de l’hôtel. Nous décidons donc de décoller tôt…trop tôt car nous reposons seulement après quelques minutes en bout de piste. En revanche, à peine reposé, les barbules apparaissent et redécollons donc dans la foulée, c’est-à-dire juste après 7 heures. Ce deuxième départ n’est pas très glorieux et nous n’arrivons pas à dépasser les 300 mètres sol ! Nous recherchons désespérément un point de déclenchement en se dirigeant vers un lac et je m’appuie sur la première bosse que je trouve alors que Yael et Clément foncent sur la deuxième. Malheureusement, je n’arrive pas à m’extraire et pose pour la 2ème fois de la journée au bord d’un lac se trouvant à moins de 10 kilomètres de l’aérodrome de Caico. J’observe mes 2 compagnons d’aventure faire un point bas à moins de 60 mètres de hauteur et qui finalement arrivent à se sortir de cette mauvaise passe de manière magistrale . Il me reste plus qu’à les appeler à la radio pour leur souhaiter de faire un bon et long vol.
    Clément parti pour un vol de plus de 10 heures. Photo: Yael
Le livreur de lait à qui je dois un retour express sur Caico après mon deuxième atterissage de la journée. Sans lui, il aurait été difficile de redécoller à temps pour voler encore 400km ce jour là. 
Je passe mes nerfs en pliant à vitesse grand V mon aile et en sprintant, avec 25kg sur le dos, jusqu’à la ferme se trouvant de l’autre côté du lac. L’idée de passer ma journée à l’hôtel tout en regardant sur le livetracking mes camarardes de jeu voler pendant plus de 10 heures m’est insoutenable et me rend encore plus déterminé que jamais pour aussi passer les 400km ce jour-là ! Par chance, le fermier, qui part livrer son lait à Caico, me propose de me ramener en ville. En route, nous croisons un membre de l’équipe de Fly With Andy qui est venu à ma rencontre aussi vite que possible…. Je pense qu’Andy, qui assure la logistique, a compris au ton de ma voix qu’il fallait que je redécolle très vite 😉 et du coup, je me retrouve de nouveau attaché au bout du câble prêt à décoller avant 8h30 du matin. A cette heure, les conditions deviennent bien différentes car le vent météo couplé aux rafales thermiques rendent les décollages plus techniques. J’attends une baisse tout relative du vent entre deux cycles thermiques, gonfle mon aile en bordure de fenêtre en utilisant la fameuse technique du « cobra » et me retrouve catapulté dans les airs. Malgré un treuillage parfait de Egidi, l’ingénieur et créateur des treuils Parawinch, ce ride est brutal : au vue de la tension exercée par le treuil et le vent fort, chaque traversée de thermique me tasse littéralement les vertèbres. Je me rassure en me disant que mes suspentes seront, pour le coup, bien en tension et ne risque pas de se rétrécir. Cela dit, je suis quand même soulagé de relâcher le filin à plus de 1000 mètres d’altitude et qui plus est, au milieu d’un thermique. L’ironie du sort fait que je survole, tout en enroulant un solide +3m/s à plus de 1200m, le lac où j’étais posé moins d’une heure auparavant.
De leur côté, Yael et Clément ont déjà parcouru plus de 60 kilomètres et volent en compagnie de Peter, Pascal et Sebastian. Ils sont rapides et les conditions du jour leur permettent clairement d’aller chercher les 411km fait par Marcella une année auparavant. Par conséquent, il n’y aura pas à tergiverser pour savoir s’il faut poser tôt afin de revoler le lendemain et donc la tactique est simple: il faut voler vite et longtemps. Pour ma part, je me mets en mode «  chasseur », non pas dans l’espoir de les rattraper mais pour me donner toutes les chances de passer aussi la barre des 400 kilomètres. J’optimise donc un maximum mes lignes tout en poussant fort sur l’accélérateur. Mes poulies ont rarement été mises autant à contribution sur plus de 9 heures de vol !!!! J’apprendrai plus tard que le groupe de Yael s’est retrouvé très bas dans une zone d’ombre dans les environs de Quixada et au vue de la netteté de l’ombre de Seb dans le champ en dessous de lui, les autres pilotes de son groupe le voyaient tous posé. Mais c’est mal connaître l’animal qui a des facultés incroyables pour ressortir d’endroits improbables. D’ailleurs, on reparlera dans un autre chapitre des facultés de l’artiste Sebastian à trouver des thermiques 😉 Le vent nous pousse ce jour là au nord de Quixada sur une série de collines magnifiques mais peu accueillantes car elles offrent peu voire pas de terrain pour poser car recouvertes d’une végétation bien dense. Comme quoi, pas tout le Brésil n’a (encore) brûlé ! En revanche, ces collines sont surmontées de magnifiques cumulus et comme dit l’adage  “il faut croire en ce que l’on voit”, je n’hésite donc pas longtemps avant de filer sous ces nuages. Ces derniers sont effectivement bien actifs et une série de longues et rapides transitions s’enchaînent. En revanche, les plafonds restent bas même tard dans l’après-midi empêchant de faire des moyennes horaires de plus de 50km/h malgré le vent établi. Je profite de retrouver du réseau cellulaire en survolant un village pour me renseigner sur la position de mes partenaires de vol. Au vue du nombre de messages Whatsapp que je reçois, je comprends très vite que Yael a passé la marque des 411 km et devient du coup la nouvelle détentrice du record du monde féminin de distance libre en parapente !!!
Le 3ème décollage sera le bon: enfin collé au nuage!!! Pas beaucoup de champs pour poser au milieu de ces collines mais au vue de la rue de nuage, le choix de la ligne est évident.
Clément lors du dernier glide de la journée avec un somptueux couché de soleil en prime. Photo: Yael Yael, nouvelle détentrice du record du monde féminin avec un vol de plus de 440 km réalisé le 4 octobre 2019. Photo: Yael
Malgré le fait de ne pas être avec eux, je suis super content pour elle et Clément. De plus, je ne peux pas me plaindre car après un début de journée laborieux, je passe aussi la marque des 400km tout en regardant le soleil se coucher. Admirer cela depuis les airs reste quelque chose de magnifique mais cela marque aussi la fin de journée. Il faut donc trouver rapidement un atterissage car la nuit noire s’installe en moins de 20 minutes. Je m’oriente donc vers le seul champ perdu au milieu du bush et qui me semble à une distance raisonnable des premières habitations. Il me faudra quand même marcher plusieurs kilomètres au milieu du bush pour enfin trouver une moto qui m’amènera à la seule maison de la région ayant une connexion Internet. Je passe 2 heures à essayer d’expliquer à ma famille d’accueil du jour ce que je fais là via un traducteur online. Cela génère de franche rigolade. Puis soudain, une voiture arrive et se parque devant la maison. A ma grande surprise, je vois Yael et Clément en sortir alors que je pensais les retrouver que bien plus tard dans la ville voisine. Ils m’annoncent qu’ils ont posé à plus de 440km, établissant deux records du monde en un vol: l’un en ligne droite et l’autre, avec trois points de contournement. Nous pouvons donc célébrer au milieu du bush, sous un ciel scintillant d’étoiles LE DOUBLE RECORD DU MONDE DE YAEL !!!!  Quel moment ! Dans, l’excitation de l’instant je suggère d’aller  « retourner » Santa Quitéria, la ville où nous allons passer la nuit, mais il n’en sera rien. Nous avons encore juste un peu d’énergie pour manger, boire quelques bières et eaux gazeuses avec Pascal, Peter et Sebastian qui ont passé ce jour là les 480 km ! Puis, nous sommes tous heureux de trouver un lit; dans un hôtel où je me suis demandé si les chambres se paient habituellement à l’heure… mais cela n’a peu d’importance et nous nous endormons tous en se remémorant cette journée incroyable. Un peu de repos est aussi le bienvenu avant de s’attaquer aux 10 heures de voiture qui nous attendent le lendemain pour retourner sur Caico.

chapitre IV où il est question de la concurrence féroce qui sévit cette année dans le Sertao ==>